La spiritualité du théâtre strindbergien dans la mouvance de Péladan : L’idéal féminin dans Le Chemin de Damas

Introduction

À parcourir l’énorme production littéraire de Strindberg, sa bibliothèque et les abondantes études critiques auxquelles tout écrivain de renom a droit, il apparaît que l’écrivain suédois porte un intérêt manifeste à toute la littérature de son époque et à celle des siècles passés. Fin observateur et commentateur des actualités de son temps, le lecteur d’aujourd’hui ne peut finalement lire Strindberg sans s’immerger dans une réalité socio-historique suédoise et européenne, ni sans aller à la rencontre d’un énorme patrimoine littéraire. La Bible est, par excellence, le Livre dont Strindberg s’inspirera sa vie durant mais d’autres sources, très nombreuses elles aussi, viennent nourrir l’écriture de l’auteur. En feuilletant son Journal occulte, le chercheur se laisse impressionner par la liste d’ouvrages et d’écrivains cités à différentes périodes de sa vie [1].

La trilogie d’Inferno ainsi que son interprétation théâtrale, Le Chemin de Damas, retrace une période turbulente de la vie de l’auteur. Installé depuis 1894 dans la capitale parisienne, l’écrivain suédois vient de se faire une place de renom grâce à son théâtre. Strindberg, qui s’est exercé à la science et l’alchimie, s’en est détourné peu à peu pour faire connaissance avec un autre monde, cette fois-ci religieux et mystique, et se laisse finalement séduire par la tradition française catholique. Le Chemin de Damas est “une oeuvre charnière [...] qui inaugure la série des pièces dites symbolistes” [2]. Sa bibliothèque abonde en ouvrages littéraires français et laisse apparaître d’illustres noms tels que Claudel, Huysmans, Bloy, Coppée, Bourget, Villiers de l’Isle-Adam et Péladan. Mais la relation entre Péladan et Strindberg reste unique, et se traduit par une longue amitié spirituelle, dont les débuts remontent au 1er mai 1897. Cette amitié durera environ quinze ans et s’achèvera vers 1911, année à laquelle est datée la version allemande de Panthée, préfacée par Strindberg et traduite par Schering, traducteur attitré de ce premier. En effet, délaissée par ses pairs, la littérature péladane s’impose plutôt en Allemagne et soulève l’admiration d'un Thomas Mann[3]. Si l’on examine la bibliothèque [4], le Journal occulte et la correspondance de Strindberg, Péladan reste indéniablement un des maîtres à penser de l’écrivain nordique. Cependant, la nature de cette relation spirituelle reste à être précisée.

Au début de 1901, l’«érotisme platonique » apparaît être une caractéristique récurrente du théâtre strindbergien [5]. C’est l’époque où Strindberg noue une relation amoureuse aussi intense qu’orageuse avec sa future troisième femme Harriet Bosse. La correspondance et le Journal occultede l’auteur nous en livrent des témoignages vivants et poignants. L’amour et toutes ses affres sont donc au centre des préoccupations de la vie de l’écrivain et impose la teinte du décor de nombreuses de ses pièces fin-de-siècle. Strindberg décrit, le 14 février 1901, l’ambiguïté de la personnalité d’Harriet qu’il traduit à la fois comme une amante, une soeur, une mère ou un ange [6]. Si Maeterlinck a joué un rôle de poids dans le théâtre strindbergien de cette période et en a façonné les motifs érotiques, Péladan demeure, comme le signale Ola Kindstedt, l’écrivain le plus prédominant qui aura nourri cette même thématique dans la pièce de Kristina [7]. Les personnages féminins sont au coeur de l’œuvre péladane et prennent les formes les plus variées possibles en passant de la femme sadique, lesbienne, à l’ange ou la fée. Elles «accaparent toute l’attention, occupent des rôles-clés et même les premiers rôles [8]».

Le présent article a justement pour dessein de relever quelques motifs religieux relatifs à la femme dans Le Chemin de Damas [abrégé : CD], tout en appliquant une perspective comparative avec deux pièces de théâtre péladanes contemporaines, La Prométhéide (1895) [abrégé : Pr] et Le Prince de Byzance (1896) [abrégé : PBy]. Ces trois pièces de théâtre ne seront dorénavant citées uniquement que par leur titre abrégé et leur pagination. À l’issue de cet examen, de nombreux points de convergence apparaîtront entre ces trois pièces mais aussi des divergences intéressantes dont nous essaierons d’examiner l’étendue. D’autres pièces de théâtre strindbergiennes écrites au tournant du siècle ont déjà fait l’objet d’une étude comparative avec Péladan telles que Pâques, Blanche-Cygne, Christine, La mariée couronnée et Songe. Ont alors été mis en relief le mythe de l’androgyne, l’amour platonique, l’amour-eros, le mythe de Pandora, le motif wagnérien, le concept de monisme et la souffrance. Ces nombreux thèmes ont souvent été analysés partiellement et n’ont pas été introduits – exception faite pour l’étude de Barry Douglas [9] – dans une perspective historique plus vaste. Le Chemin de Damas est encore une œuvre à explorer en parallèle avec celles de Péladan, comparaison que seule l’étude de Kindstedt n’a effleurée jusqu’à maintenant. C’est au sein du renouveau catholique – mouvement religieux porteur de représentations littéraires communes aux écrivains convertis de fin-de-siècle [10] – que s’inscrivent les trois motifs religieux dégagés dans notre corpus de textes : la liturgie au caractère marial, l’identité rédemptrice de la femme et la chasteté conjugale. Partant de ce corpus de textes, notre contribution consistera, dans une perspective plus large, à approfondir l’imaginaire religieux fin-de-siècle en en dégageant ses expressions textuelles théâtrales.

Nous entamerons notre exposé en offrant un panorama de la relation qu’entretenait Strindberg avec Péladan, et en nous intéressant principalement au rôle de ce dernier dans le rapport de Strindberg au catholicisme. À partir de quoi, le cœur de notre article s’attachera à relever les intertextes péladaniens susceptibles d’éclairer cette nouvelle orientation spirituelle vers laquelle Strindberg est en train de s’orienter et dans laquelle est centrale l’identité virginale de la femme.

Strindberg, Péladan et le catholicisme

Vers la fin du XIXe siècle, le paysage de la France est en pleine mutation. L'anticléricalisme français fait place à de nombreux germes de rechristianisation dont les premiers bourgeons apparaissent au sein de la littérature. De nombreux hommes de lettres se convertissent au catholicisme. La littérature – avec l’art – est justement un des lieux privilégiés, où l'attrait pour le renouveau religieux s'enracine et se déploie : les ambiances spirituelles, les thèmes et les motifs religieux, l'usage des Saintes écritures envahissent l’imaginaire des écrivains. Les “éléments mystiques et miraculeux font l’originalité du renouveau proprement dit” [11]. Strindberg, qui séjourne en France à cette même époque, ne peut rester indifférent à cette mouvance d’esprit qui traverse les cercles littéraires parisiens.

Strindberg s’aperçoit par conséquent qu’un renouveau spirituel saisit la France et l’Europe dans la dernière décennie du XIXe siècle. Au cours de cette période, l’écrivain connaît aussi ses débuts de turbulence religieuse et traverse un marasme spirituel sans précédent. Strindberg retrace cette crise dans sa trilogie, Inferno (1897) Légendes (1897) et Jacob lutte (1897-98). La déclaration que prononce le narrateur dans le dernier chapitre d’Inferno est, de ce point de vue, éclairante :

Un ami me demande :
Où allons-nous ?
Je ne sais le dire, mais pour moi en personne il paraît que le chemin de la croix me reconduit vers la foi de mes aïeuls.
Le catholicisme ?
Il paraît !
[...]
Le protestantisme est une punition infligée aux barbares du Nord […] le protestantisme, c’est l’exil, la captivité
babylonienne, et le retour paraît approcher, le retour à la terre promise. Les progrès immenses du Catholicisme en
Amérique, en Angleterre et en Scandinavie prophétisent de la grande réconciliation ; y comprise l’Eglise Grecque
qui vient d’étendre la main vers l’Occident. (Strindberg, August. Inferno. Strindbergs samlade verk t.37. 1994 : 304-306)

L’écrivain suédois est littéralement fasciné par cette «grande réconciliation » et il y reviendra à une autre reprise dans sa lettre adressée à son ami Leopold Littmansson le 26 mars 1899, laquelle évoque l’idée œcuménique désignée par «le Grand Compromis ».

Mais ce voyage spirituel a déjà commencé durant l’hiver 1895-96 lorsque Strindberg traverse sa crise d’Inferno. L’écrivain prend alors une autre orientation et cherche indéniablement à se placer dans un courant littéraire spirituel européen, tout en se ralliant principalement aux couleurs françaises. Il rappelle à son ami Waldemar Bülow, le 20 novembre 1897, comment Zola et le Sâr Péladan ont été touchés par une même évolution spirituelle : “tous les occultistes ont traversé les mêmes étapes, naguère satanistes, ils se sont par la suite convertis au catholicisme”. D’emblée, Strindberg rejoint cette école, lui qui par ailleurs avait été en son temps fasciné par l’occultisme sans y adhérer complètement. L'importance de ce mouvement de conversion atteint, à ses yeux, toute l'Europe en commençant par Huysmans puis Jörgensen, Kleen et François Coppée. Strindberg suit, comme de coutume, les tendances européennes de son temps. Il présente ce mouvement “inexpliqué de conversions de maniaques sans confession” [12] et tient à s’inclure parmi les premiers représentants de ce renouveau catholique. En France, les échos de sa conversion étaient parvenus jusqu’aux journaux parisiens :

Il convient de garder une grande discrétion en publiant le récit des conversions individuelles, mais il est d’un intérêt primordial de signaler un mouvement qui se fait sentir parmi les hommes les plus distingués de l’Eglise luthérienne et dont nous avons récemment montré les effets chez l’ancien représentant du naturalisme suédois, Auguste Strindberg. Cet écrivain qui n’avait jamais été un homme religieux, a été conduit au catholicisme par le coeur. (de Coussanges, Jacques. «Le mouvement anti-protestant dans l’église luthérienne », L’Univers et Le Monde, Paris, le 19 février 1900)

C’est en 1897 que l’écrivain suédois découvre pour la première fois Péladan en lisant Comment on devient un Mage. Il baptise aussitôt l’auteur d’“occultiste catholique réformant” [13]. Pour Strindberg, Péladan “se présente comme un orage, une révélation de l’homme supérieur, der übermensh de Nietzsche” [14]. L’écrivain suédois est littéralement impressionné par le roman de Péladan qu’il juge comme “le plus grand et le plus beau qu’un catholique puisse lire” [15]. Strindberg fasciné s’aperçoit alors comment “le catholicisme fait son entrée solennelle et triomphale dans [s]a vie” et tient à souligner que “le protestantisme quitte manifestement le monde”. [16] Il ajoutera par ailleurs, dans un ouvrage plus tardif écrit en 1907, de quoi peut-être se flatter, que Péladan est “un prophète chrétien [...] uniquement compris par la classe supérieure des chrétiens” [17]. Pourtant, il serait hâté de supposer que l’élément intellectuel du catholicisme péladanien aurait été décisif pour Strindberg dans son cheminement [18]. Une des lettres de Strindberg, envoyée à sa fille Karin le 20 juin 1898, prouve en effet le détachement de Strindberg vis-à-vis des spéculations et raisonnements théologiques. Si Strindberg s’intéresse à “ce prophète de la troisième république”, c’est sans doute surtout en tant que porte-parole et “philosophe-poète-prophète” du catholicisme. Pourtant, le Sâr Péladan est loin d’incarner la figure traditionnelle du catholicisme. Classé parmi les écrivains décadents qui occupèrent “le devant de la scène dans les années 1884-1897” [19], il fait son entrée triomphale sur la scène littéraire parisienne lors de la publication de son livre Le Vice suprême (1884) préfacée par Jules Barbey d’Aurevilly. Puis, il s’impose par la somme de ses écrits réunis pour la plupart dans la célèbre épopée La décadence Latine, par son style et son excentricité. Mais se mettant à dos les écrivains de son temps, le Sâr tombe de son piédestal d’où on l’avait glorifié lors de la parution de son premier roman. Comme le souligne de l’Estoile, cette surexposition médiatique ne fut pas sans conséquence sur l’oubli qui ensevelit son œuvre durant des décennies” [20]. Son œuvre littéraire comporte souvent des interprétations singulières de certains mythes et diverge, en cela, de l’ensemble de ses contemporains. Au sein de cette cour littéraire fin de siècle, Péladan constitue, à bien des égards, une exception en offrant un traitement différent de certains thèmes typiquement décadents - tels l’androgynie ou le mythe de Prométhée et de Pandore [21]. Il est, en sus, un de ces rares écrivains à avoir réussi à allier l’occultisme au catholicisme romain. De cette alliance, il naît en 1891 la fondation de la Rose Croix Catholique, appelée par la suite Ordre de la Rose Croix du Temple et du Graal, et à la tête duquel il se proclame Sâr. À ce titre, il a dû être le point de mire de son confrère suédois, lequel s’était initié en son temps à l’occultisme avant de se tourner vers le catholicisme. De célèbres hommes de lettres s’étaient laissés séduire par l’œuvre péladane tel Gabriele d’Annunzio. Si Strindberg semble calquer les idées de Péladan, c’est en grande partie parce que le Sâr Péladan aime puiser dans les sources de la mythologie grecque et biblique [22]. Péladan offre, dans son oeuvre en général et dans La Prométhéide en particulier, tout un répertoire mythologique aux accents bibliques où la perspective féminine s’oriente dans des directions aussi démoniaque que salutaire.

Reprenons en bref toute l’histoire de cette amitié suédo-française. En s’adressant à Emil Kléen le 22 juillet 1898, Strindberg couvre son confrère d’éloges en le nommant “prophète de la troisième république”. Début 1900, Strindberg est envoûté par la lecture de Péladan, qui l’enthousiasme. Mais parallèlement, il éprouve des sentiments partagés pour la morale de Péladan, comme il l’exprime dans sa lettre à Emil Kléen le 2 septembre 1898 : “Je lis Péladan avec une admiration de plus en plus croissante mais non sans rester partagé. Un moraliste des plus débauchés ! Un paradoxe ! qui châtie sa sensualité, mais jouit de la flagellation” (notre trad.). Pourtant, ceci ne l’empêchera pas de continuer à se munir de littérature péladane puisque sa maison en est pleine début 1901 [23]. En s’adressant à Richard Bergh le 30 janvier 1901, son enthousiasme augmente constamment, d’où peut-être cet élan d’irritation à la Strindberg lorsque l’auteur observe l’inertie de ses amis : “N’êtes-vous donc pas mûrs pour lire Joséphin Peladan ? Le plus grand esthète qui annonçait l’époque spirituelle avant Maeterlinck ? à savoir les romans : L’Initiation sentimentale, L’Androgyne, Gynandre, Le vice suprême, Istar, Typhonia (à 2, 50 Fr.)” (notre trad.). Finalement, lorsqu’il vient de lire La Prométhéide, aucun doute ne persiste quant à la grandeur de son maître et c’est encore à Richard Bergh qu’il va en faire part : “Péladan est un géant ! Il a écrit les parties manquantes I et III de Eschylle Prométhée et a traduit le volume II. Il a dépassé le maître ! Une audace réussie ! Une véritable rareté ! J’ai trois de ses drames, c’est de la nourriture consistante !” (notre trad.). L’admiration de Strindberg va si loin qu’il aurait souhaité lui décerner le Prix Nobel de littérature [24]. Il loue, dans sa correspondance, la grandeur de ce prophète réformateur catholique et ses lettres sont unanimes pour le magnifier comme par exemple celle du 14 février 1901 : “Péladan et Maeterlinck sont de la même souche : l’occultisme parisien dérivé de Séraphita de Balzac, Ursule Mirouet etc..., ainsi que Barbey d'Aurevilly (Les Diaboliques) – Alors, avec tout le respect dû à Maeterlinck, faisons place au Sâr Peladan” (notre trad.).

Notons qu’en cette même année 1901, l’écrivain accouchera de nombreuses pièces de théâtre : La Danse de mort I, Engelbrecht, Le Songe, Charles XII, Le Mardi gras de Polichinelle, La Saint-Jean, Pâques et Le Chemin de Damas (III). Strindberg essaiera parallèlement de contribuer à répandre le nom de Péladan. Par l’intermédiaire de son propre traducteur allemand Schering, Strindberg recevra un livre de Péladan et exhortera Schering, dans sa lettre du 20 juin 1905, à traduire L’Initiation sentimentale. Schering, admirateur de Péladan, servira peu à peu d’entremetteur entre les deux hommes de lettres et se chargera de donner la pièce de Songe à Péladan. Par la suite, Strindberg se servira souvent de Schering afin de pourvoir Péladan de ses autres pièces, comme dans le cas de Pâques et La Danse de mort. La dernière lettre de Strindberg dans laquelle figure le nom de Péladan est un dernier éloge fait à L’Initiation sentimentale [25].

La pauvreté de documents concernant les côtés plus personnels de la relation nouée entre Strindberg et Péladan ne nous laisse finalement que peu de matière à examiner. N’ont été retrouvées à ce jour qu’une lettre de Strindberg écrite à Péladan et trois dédicaces de Péladan adressées à Strindberg. L’admiration mutuelle qu’éprouvaient les deux auteurs ressort largement de ces documents. La seule lettre retrouvée de Strindberg et adressée à Péladan, est datée du 9 juin 1906 et ne semble pas, à en lire le ton, la première écrite: “Joséphin Péladan. / J’accepte votre interprétation de Don Quixote et je m’y reconnais, ayant passé par là, from [sic !] revenir à l’idéal. / Merci de votre cadeau, arrivé à temps. / Votre admirateur / August Strindberg”. Le livre dont il s’agit n’est autre que Le secret des troubadours. De Parcifal à Don Quichotte (1906) dans lequel on retrouve une dédicace du maître : À August Strindberg / De tout coeur, Péladan”. Une deuxième dédicace de Péladan figure dans Semiramis (1904) : “À August Strindberg / Hommage d’admiration et de sympathie / Péladan / 1 sept 1904”. La dernière dédicace retrouvée se trouve dans Léonard de Vinci (1907) : “À Strindberg – Péladan”. Toutes ces œuvres sont conservées dans la bibliothèque privée du dernier domicile de Strindberg, Blå Tornet, à Stockholm.

L’engouement de Strindberg pour son confrère ira se poursuivant de lettre en lettre et d’année en année ; Péladan s’imposera vite comme l’autorité littéraire et spirituelle de cette fin de siècle aux yeux de Strindberg [26]. Pourtant, dans un des ses romans Götiska rumen, écrit au printemps 1904, Strindberg, tout en portant aux nues l’écrivain décadent, déplore le peu d’estime dans lequel le tiennent ses propres compatriotes.

Quelle est la faute de Péladan puisqu’il n’arrive uniquement à atteindre que les proches de son milieu ? – Oui, il est trop cultivé pour être compris de tous ; il était chrétien comme un croisé, et s’est mis à dos les hérétiques. [...]
L’influence de Péladan est d’une grandeur imprévisible, mais il n’agit pas directement, sinon par l’intermédiaire de ses disciples. On ne le cite pas, mais on se sert à son auge ; on l’a gaspillé, [...] mais il vit et crie au secours, il a introduit la culture germanique dans son pays, et a ouvert ses portes closes à l’Europe. (Strindberg, August. Götiska rummen [trad : Chambres gothiques]. Strindbergs Samlade verk, t. 53. 2002 : 85 ; notre trad.)

De son côté, Péladan est loin d’être indifférent à Strindberg. Il déplore la mode du jour et cherche à promouvoir le théâtre de son confrère qu’il estime de très grande valeur : “Il faut laisser passer les courants snobiques et ne pas rechercher pourquoi Auguste Strindberg n’est pas aussi connu et admiré chez nous qu’Ibsen, auquel il est tellement supérieur ! [27]. L’un comme l’autre semblent avoir en commun d’être deux âmes en peine, s’admirant profondément mais demeurant incompris de leur époque.

Une analogie liturgique

Dans Le Chemin de Damas, la présence d’hymnes et de prières latines, en symbiose avec l’idéal féminin que nous dépeint l’auteur, est particulièrement prégnante. Ces hymnes liturgiques, issus de la tradition catholique, apparaissent à cette époque comme une nouveauté dans les pièces de théâtre strindbergiennes. La liturgie contribue à façonner un édifice religieux et sert de présage ce qui, nous le verrons ensuite, est en parfaite corrélation avec le cadre thématique de toute cette pièce. Dès l’ouverture du Chemin de Damas, la vie de l’inconnu et sa rencontre avec la Dame se placent sous le signe d’un air funèbre puisque, au début de la pièce, s’échappe aussi d’un “cortège funèbre”; le psaume De profundis (CD : 152). Dès lors, la possibilité d’un échec relationnel apparaît en clair obscur. Quelques pages plus loin, l’auteur joue sur la même note de déréliction lorsque l’inconnu vient d’être recueilli au couvent du Bon secours après avoir été trouvé dans la montagne en plein combat spirituel. Nous assistons alors au moment le plus irrationnel de la première partie où le spectateur ne sait plus si la scène est réelle ou appartient au monde de l’illusion. Dans la chapelle du couvent, est joué un Requiem catholique, une messe pour défunts. Dans son délire, l’inconnu vient de s’accuser de tous les maux impensables et inimaginables, au grand étonnement de son confesseur dominicain. Il se retrouve alors aux côtés d’une assemblée à l’apparence spectrale, composée de connaissances accusées de différents méfaits. Alors que l’inconnu est maintenant attablé, un Requiem retentit de la chapelle :

Quantus tremor est futurus
Quando judex est venturus,
Cuncta stricte discussurus!
Tuba mirum spargens sonum
Per sepulcra regionum
Coget omnes ante thronum.
Mors stupebit et natura,
Cum resurget creatura
Judicanti responsura
Liber scriptus proferetur
In quo totum continetur
Unde mundus judicetur.
Judex ergo cum sedebit
Quidquid latet apparebit
Nil inultum remanebit

Un parallèle avec la pièce péladane, Le Prince de Byzance, s’impose ici. C’est un des intertextes les plus parlants portant de vives résonances avec le texte péladanien. Dans la cinquième scène de l’acte I du Prince de Byzance, figure la même séquence, mais ici, la première strophe du requiem est citée : Dies Irae, dies illa / Solvet saeclum in favilla : / Teste David cum Sibylla tandis que la dernière strophe est absente : Judex ergo cum sedebit / […] / Nil inultum remanebit (PBy : 121). L’ouverture du Requiem commence par le chant du Dies irae. Cette séquence est fort célèbre et était chantée dans les messes de funérailles jusqu’en 1969. Jusqu’à cette date, cet hymne était obligatoire le jour de la Toussaint ou lors d’obsèques [28]. L’introduction du chant liturgique s’intègre dans les deux textes avec brio pour illustrer l’atmosphère funèbre régnante et la crainte du jugement divin. Les paroles sont en effet terrifiantes et le contenu de la cinquième strophe illustre dans Le Chemin de Damas toute la mise en scène de ce passage, où les personnages sont dévoilés un à un : “Quand le juge siégera, tout ce qui est caché apparaîtra et rien ne restera impuni.” Il est bon de noter que cette séquence, comprenant au total dix-neuf strophes, est reprise chez les deux auteurs de manière sensiblement analogue bien que les situations divergent totalement. Dans Le Prince de Byzance, Tonio se meurt à la fin de la pièce lorsque le requiem retentit ; les amants reflètent la pure innocence, ils sont sans souillure et peuvent s’avancer devant Dieu en toute confiance. Aucune présence de crainte n’apparaît chez Péladan. En contrepartie, le protagoniste strindbergien, entouré d’une assemblée de spectres aux visages «jaunes comme de la cire ou d’une pâleur cadavérique » (CD : 198), vient de reprendre connaissance et va écouter la lecture du deutéronome qui lui annonce le flot des malédictions qui frapperont celui qui “n’écout[e] pas la voix de l’Eternel et [...] n’accompli[t] pas toutes ses lois et tous ses commandements” (CD : 201). L’inconnu est invité à se convertir, faute de quoi l’Eternel l’écrasera de maux. Comme nous le verrons plus tard, l’idéal de l’inconnu échoue parce qu’il n’a pas réussi à vivre son idéal conjugal, et qu’il n’est pas parvenu à suivre les voies de Dieu (CD : 288sqq.). Dans leur forme, ces textes se font manifestement écho bien que le requiem ne se prête pas à la même interprétation chez les deux auteurs et ne s’intègre pas dans un même terreau textuel.

Continuons l’examen du Prince de Byzance. Dès l’ouverture de la pièce, le jeune Tonio se met à rêver de son amant avant même d’avoir rencontré Cavalcanti. Il exprime sa joie dans un monologue et finit par chanter un hymne à Notre-Dame :

Et je m’endormirais le soir sur son épaule, après avoir / chanté un hymne à Notre-Dame. Je n’aimerais que lui : il / n’aimerait que moi, et nous serions très purs, charitables / pieux à Madame Marie qui, bénigne, nous obtiendrait de / son fils Tout-puissant, la faveur de mourir tous deux / ensemble, en même temps ! (PBy : 9).

Tonio, qui tient la Vierge Marie comme modèle, espère par sa grâce parvenir à rester fidèle à son idéal de chasteté. Aucune précision n’est donnée sur cet hymne à Notre-Dame mais l’essentiel est ici de mettre en relief cet idéal pur de chasteté et de charité qu’évoque la virginité de la Vierge Marie. Péladan rejoint ici une des aspirations fortes de Strindberg que l’on retouve clairement dans le Chemin de Damas.

En examinant la totalité des hymnes et des prières liturgiques, on observe effectivement une nette dominance du caractère marial dans Le Chemin de Damas. Les exemples sont nombreux et limitons-nous, pour ce faire, à quelques-uns. Au tout début de la première scène, l’inconnu, accompagné du mendiant, vient d’être rabroué par l’aubergiste et mis à la porte de l’auberge. Ce tableau a permis de dépeindre l’état misérable de l’inconnu dont l’aubergiste va lire le signalement : “sans profession définie ; ressources inconnues ; marié, mais a quitté sa femme et abandonné ses enfants ; connu pour ses opinions subversives dans les questions sociales ; ne semble pas en possession de toutes ses facultés” (CD : 162). Une fois le piètre état de l’inconnu dépeint, “les cloches de l’église se mettent à sonner ; le soleil paraît et éclaire la rosace au-dessus du portail, le portail s’ouvre et montre l’intérieur de l’église, on entend l’orgue et le chant de l’Ave Maris Stella”. Ce changement de perspective est capital. Le message délivré est en effet de nature divine et s’échappe de l’orgue en faisant résonner le chant marial de la Vierge. La réussite de cette composition strindbergienne réside dans l’enchaînement des didascalies. À la misère de l’inconnu fait suite le chant de l’Ave Maris Stella, lequel est, à son tour, à interpréter à travers la personne de La Dame, “sortant de l’église”. La Dame – entendons ici la femme – demande justement à l’inconnu : “Faut-il que vous soyez comme un enfant, toujours pendu aux jupes d’une femme ?” (CD : 163). L’hymne de l’Ave Maris Stella chante les merveilles de la Vierge, mais il indique aussi subrepticement le rôle maternel de la Dame. Classé parmi les hymnes mariaux les plus populaires depuis le IXe siècle, ce chant demande l’intercession maternelle de l’“auguste Mère de Dieu, toujours demeurée vierge, douce porte du ciel”. Mais penchons-nous sur les paroles de cet hymne qui mérite plus d’attention. Le texte met l’accent sur toutes les grâces que Marie peut accorder à ceux qui la supplie : libérer le pécheur, l’éclairer, exaucer ses prières, lui conférer la douceur, la pureté et la chasteté. C’est parce que la Vierge est Mère qu’elle peut faire agréer les prières du pécheur auprès de son fils, Jésus-Christ. La Vierge est “sans égale, douce entre toutes les vierges” et peut, à ce titre, conduire le pécheur sur la voie de la perfection qui se résume à obtenir une vie pure, douce, chaste et dénuée de tout péché. Cet hymne expose, de manière dissimulée mais spectaculaire, la profession de foi de l’inconnu en livrant une véritable déclaration solennelle à la Mère de Dieu. De plus, cet hymne est aussi un manifeste pour l’être féminin.

Une autre dévotion à la Vierge Marie s’est développée au milieu du XIXe siècle à travers le rosaire, prière de tradition catholique particulièrement choyée par les personnages du Chemin de Damas. À plusieurs reprises, est récité un chapelet (CD : 179sqq., 184, 263) signe notamment de foi, de ferveur et de dévouement à la Vierge Marie. Lorsque Strindberg introduit les parents d’Ingeborg dans la cuisine à l’acte II (CD : 184), il les place dans une posture toute religieuse et nous fait aussitôt comprendre qu’ils se sont joints au chœur d’hommes et de femmes en train de réciter le rosaire. La mère est effectivement “habillée de noir et de blanc” et porte ainsi le même vêtement que l’abbesse vêtue d’un “costume noir et blanc des augustines” (CD : 198). La description s’efforce donc d’assimiler les deux personnages.

Le vieillard est assis près de la table, au dessous du crucifix, il a les mains jointes, devant lui est sa carnassière. [...].
La mère, à genoux par terre au milieu de la salle ; cheveux gris, cinquante ans environ, habillée de noir et de blanc. Au dehors on entend distinctement un chœur d’hommes, de femmes et d’enfants réciter les dernières paroles de l’Ave Maria : Sainte Marie, mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort. Ainsi soit-il.

Le vieillard et la Mère: Ainsi soit-il. (CD : 184sqq., italiques de Strindberg)

Dans la scène de la chambre rose de la deuxième partie, quatre soeurs de la miséricorde “psalmodient” un chant dédié à la vierge, le Salve Regina, alors que la Dame, enfermée dans sa chambre, est souffrante et s’apprête à accoucher d’un moment à l’autre. Ce chant est une des antiennes les plus anciennes et la prière la plus largement utilisée à la Vierge Marie. La Mère de Dieu est magnifiée comme la reine de la miséricorde et l’espoir de la race humaine : Salve, Regina, mater misericordiae, / Vita dulcedo et spes nostra, salve. / Ad te clamamus, exules filii Evae : / Ad te suspiramus gementes et flentes / In hac lacrymarum valle (CD : 250). Le même décor est repris dans la scène du même nom à l’acte III où l’on enchaîne avec la suite du Salve Regina : “les soeurs de la miséricorde, à genoux, lisent des prières dans leurs livres d’heures : Exules filii Evae ; ad te suspiramus gementes et flentes in hac lacrimarum valle”(CD : 264). Cette fois-ci, le Père revient au foyer après avoir abandonné sa femme (la Mère de la Dame) et l’inconnu, de retour à nouveau chez ses beaux-parents mais s’apprêtant encore à fuir, se trouve dans la maison familiale au moment même où la Dame va donner naissance à sa fille. L’hymne chanté met en exergue la douceur et la clémence de la Vierge Marie, mais présente aussi la misère de l’humanité, humanité que l’hymne dépeint comme des “enfants d’Ève, exilés […] gémissant et pleurant dans cette vallée de larmes”. Les paroles correspondent au message de la pièce : d’une part, l’inconnu est en plein exil, erre à tous vents et rêve d’une communion avec la femme ; d’autre part, le chant de la Vierge Marie fait résonner la voie de salut où miséricorde et intercession de la Mère de Dieu viennent au secours du pécheur.

Dans la troisième et dernière partie du Chemin de Damas, le confesseur est chargé d’accompagner l’inconnu jusqu’au bord de l’autre rive. Avant de franchir la rive, ils aperçoivent le couvent vers lequel ils comptent se diriger. Pour s’y rendre, ils doivent traverser l’eau sur un radeau, image symbolique de la séparation d’avec le monde. C’est alors qu’on assiste à une fête religieuse catholique, Corpus Christi"des enfants, vêtus de blanc, portant des couronnes sur la tête et des cierges allumés à la main, entourent l’autel décoré de fleurs sur lequel est arboré un drapeau blanc frappé d’un lys d’or" (CD : 290). Les enfants chantent la grandeur de Dieu et la bénédiction du chrétien en reprenant les versets 1 à 4 du psaume 128. Celui qui suit résolument les voies de Dieu sera béni, il aura une épouse et de nombreux enfants :

Heureux celui qui craint le Seigneur
Beati omnes qui timent Dominum
Qui marche dans ses voies
Qui ambulant in viis ejus
Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front
Labores manuumtuarum qui manducebi
Heureux tu es et sois béni à l’avenir
Beatus es et bene tibi erit
[...]
Ton épouse sera comme une vigne féconde
Uxor tua sicut vitis abundans
A l’intérieur de ta maison
In lateribus domus tuae
[...]
Filii tui sicut novellae olivarum
Tes enfants seront comme des branches d’olivier autour de ta table
In circuitu mensae tuae
[...]
Voici qu’il sera béni l’homme
Ecce benedicitur homo
Qui craint le Seigneur
Qui timent dominum (Strindberg ; 1994 : 290sqq.)

Le psaume fait maintenant contrepoids à la malédiction lancée par le Deutéronome dans la première partie de la pièce lorsque l’inconnu est invité à se convertir. Il apporte un message d’espérance dans lequel celui qui suit les voies de Dieu devient sujet de bénédiction. Le psaume expose tous les bienfaits dont le croyant s’est fait le mérite : un salaire équitable, une épouse féconde et une descendance prospère. Ce texte agit comme une prophétie et annonce la venue d’une nouvelle tentative d’union conjugale.

Si Péladan se sert d’un patrimoine liturgique de tradition catholique, Strindberg sait de son côté l’exploiter plus largement et de manière plus subtile. La liturgie à caractère marial enveloppe considérablement la pièce de Strindberg et porte tout le message spirituel de la pièce. Les deux écrivains usent d’une même rhétorique au sein de leur théâtre où la parole n’est plus seulement l’élément central, mais où le décor et la liturgie (chants et prières) deviennent aussi des accessoires d’une valeur esthétique considérable sur une scène [29]. Dans Le Chemin de Damas, les hymnes entrecoupent le déroulement de la pièce et accompagnent le cheminement de l’inconnu vers la station dernière. Ils renforcent l’esthétique catholique de la pièce – introduisant du même coup le texte strindbergien dans une tradition catholique – et annoncent la profondeur du message de la pièce. Le spectateur est évidemment convié à creuser ces symboles pour en pénétrer la richesse de sens. La liturgie est, par définition, une des portes qui relie terre et ciel. Elle est par essence le langage des anges, la porte donnée sur le ciel. Grâce à la liturgie, l’homme s’approche de l’éternité, parvient à maîtriser le temps. La liturgie devient ici une préfiguration des thèmes exploités dans la pièce. Elle annonce et devient la promesse de l’idéal recherché par l’inconnu, en laissant pénétrer ce rêve divin dans le présent. Et c’est ainsi que ce rêve de communion avec la femme se manifeste dès le début dans la vie de l’inconnu, même si ce désir ne verra jamais le jour et ne restera qu’une illusion.

La Femme-Rédemptrice

La femme est devenue une vraie obsession dans la littérature fin-de-siècle. Ceci “est attestée par l’évident efféminement du monde et de l’imaginaire décadent qui se reflète dans la féminisation des sujets littéraires” [30]. Outre cette féminisation du monde, l’apparition de mythes antiques ou de figures bibliques devient remarquable. Péladan et Strindberg ont en commun de s’intéresser à la figure féminine de Pandore – symbole de la femme fatale et perverse – et semblent réinvestir aussitôt cette figure mythique de façon chrétienne pour en faire respectivement le précurseur d’Ève ou de la Vierge Marie. L’originalité de l’interprétation péladane "trouve sa source dans la lecture qu’[il] effectue toujours de manière conjointe, de la mythologie grecque et de la Bible” [31]. De là cette assimilation naturelle entre Pandore et Ève. Strindberg opère là un changement ou disons une mutation naturelle qui est inscrite dans l’histoire biblique en exploitant en échange la figure de la Vierge Marie. La figure biblique de Marie vient en effet réinstaurer l’idéal déchu de la première femme, Ève. D’un commun accord, les deux écrivains cherchent avec résolution à conduire la femme vers une purification totale, la chasteté. Si “l’imaginaire péladanien exploite l’image d’une femme-Ève ou d’une femme-Pandore d’une manière très singulière, l’intégrant dans son parcours personnel vers le détachement matériel, vers la spiritualisation des mœurs” [32], Strindberg porte, de son côté, son intérêt sur la figure virginale de la Vierge Marie.

La trame liturgique empruntée dans Le Chemin de Damas en est une première manifestation. La densité des hymnes consacrés à Sainte Marie immerge précisément la pièce dans une atmosphère religieuse et conduit, en particulier, notre regard vers le rôle de la femme comme vierge et mère. Le célèbre cantique chanté à la gloire de la Vierge Marie, Salve Regina, peut être interprété comme une introduction à ce qui va être plus tard le coeur de l’exposé de l’inconnu et de Prométhée. Le texte péladanien de La Prométhéide reprend ci-dessous le contenu de l’Ave Maris Stella où sont mises en relief les qualités de la femme-mère, femme-mère censée conduire le pécheur vers le chemin de la douceur, de la pureté et de la chasteté.

Être sacré, être divin, source de l’homme !
Viens régner, viens aimer, viens consoler, viens enfanter
Toi qui seras le foyer, la famille,
toi qui seras la douce vierge, et puis, la mère auguste,
toi qui incarneras le dévouement et la bonté. (Pr : 46 sqq.)

Tout comme Prométhée transforme Pandore de façon magistrale, l’inconnu métamorphose peu à peu la Dame en femme, épouse et mère : elle devient bonne, miséricordieuse et maternelle. On ne peut manquer, par conséquent, de tirer un parallèle entre les deux pièces où la similitude des déroulements de nature surnaturelle et fantastique saute aux yeux. La pièce du Chemin de Damas atteint assurément son apogée à l’instant précis où est décrite la métamorphose physique de la Dame : Elle se transforme au cours de cette scène ; sa robe tombe et elle prend l’apparence d’une femme vêtue de blanc, à la chevelure dénouée, à l’abondante poitrine de mère (CD : 327 ; les italiques sont de Strindberg). Cette description est adroite et permet à l’écrivain de mettre subtilement en relief, tour à tour, trois attributs féminins que sont la virginité, la sensualité féminine et la douceur maternelle. Le texte péladanien fait ressortir des accents analogues : Pandore est transformée “par la vertu du feu” (Pr : 48) et reçoit l’intelligence. La femme est appelée à régner, à aimer, à consoler, à enfanter et à resplendir. Mais pour être “la source de l’homme” (Pr : 46), c’est avant tout au destin de mère qu’elle est vouée, destin qui “engendrera les peuples et les villes” (Pr : 47).

Radix souligne à plusieurs reprises comment, chez Péladan, la “femme androgyne peut devenir tout à fait bénéfique en se vouant à l’Idéal, en se plaçant au côté du Mage qui lui fait retrouver son état angélique” [33]. La femme n’est donc pas appelée à demeurer la Pandore tentatrice et perverse. C’est ce qui apparaît au travers de La Prométhéide où Pandore, débarrassée de ses maléfices et de son péché originel, guidée par Prométhée, reçoit le pouvoir de sauver l’humanité. Elle est, comme l’écrit Radix, “une image antérieure d’Ève et a un rôle à jouer comme sa compagne chrétienne dans la genèse” [34]. Mais la femme péladane est ambigüe : “toute l’oeuvre de Péladan exposera ce refus de la sexualité et en même temps l’attirance vers la femme, qui est aussi une promesse de perfection future” [35]. On observe une ambivalence similaire chez Strindberg tout au long de la pièce : tantôt maléfique, tantôt angélique, le visage de la femme est à la fois démoniaque et salvateur. Lorsque le tentateur s’adresse à l’inconnu pour le détacher de la femme, la sensualité et la perversité du genre féminin sont dépeintes dans toute leur splendeur :

N’étais-tu pas en train, il y a un instant, de faire l’éloge de l’ennemie du genre humain, de la femme qui a transformé le paradis en un enfer ? […] Tu parles d’amour chaste pour une femme ! C’est la sensualité, mon garçon, la sensualité que toute femme fait naître en nous, et que nous devons payer si cher. Tu dis que tu ne la désires pas ? Pourquoi alors veux-tu être près d’elle ? (CD : 314)

Quelques pages plus loin, le tentateur fait ressortir clairement le parallèle entre la Dame et Pandore en rappelant ce mythe prométhéen, réinterprété par Péladan.

Le Tentateur : L’Ève des Grecs s’appelait Pandora. Zeus l’avait crée méchante, afin de tourmenter les hommes et de les dominer !... Elle avait reçu comme cadeau de mariage une boîte qui contenait tous les malheurs du monde. L’énigme de ce sphinx se résout peut-être plus facilement du haut de l’Olympe que depuis le jardin du paradis terrestre ! Jamais elle ne sera complètement résolue. (CD : 328 sqq.)

Strindberg avait tout à fait compris l’orientation de Péladan. Le 13 février 1901, en pleine lecture de La Prométhéide, Strindberg reconnaît dans la figure mythique de Pandore une voie salvatrice : “Dans La Prométhéide de Péladan est dépeinte Pandore, l’Ève des grecs, d’abord comme envoyée par Zeus (lequel s’était mis à rire en la relâchant) pour accabler les hommes; mais Prométhée l’a transformée pour bénir l’humanité en en faisant une mère, une épouse...” (Strindberg ; 1977 : 135 ; notre trad.). Kindstedt souligne avec justesse la fonction symbolique de ce mythe chez Strindberg qui est de montrer, dans Le Chemin de Damas, l’hésitation de l’inconnu face à son remariage. Comme nous le savons, l’inconnu se lancera dans une nouvelle aventure conjugale. Il fera sienne l’interprétation péladane, ne serait-ce que momentanément, selon laquelle Pandore métamorphosée sauve l’humanité et cesse d’#234;tre cruelle envers les hommes. La Dame est comparée à Pandore, «l’ange qui pour ses péchés a été précipité dans la prison de la chair » (CD : 307). Strindberg croit résolument dans cet idéal et va s’en faire le porte-parole dans le texte in extremis. Au travers des paroles du confesseur adressées à Ingeborg, le rôle de la femme est alors révélé : elle a souffert au nom de l’Amour, elle s’est sacrifiée et a vécu les tourments de l’enfer pour être un moyen de réconciliation avec l’homme.

Le confesseur : Et toi surtout, mon enfant, car tu es la bonté ! La beauté du corps, je ne peux la voir, mais je sais que tu es belle, puisque tu es bonne… Oui, tu es la fiancée de ma jeunesse, et mon épouse selon l’esprit ; j’ai vécu ta vie, j’ai souffert tes douleurs ; j’ai été joyeux de tes joies, ou plutôt non, car tu n’as pas eu d’autre joie que ton enfant…La beauté de ton âme, j’ai été seul à la voir. Notre ami que voici l’a soupçonnée, c’est pour cela qu’il a été attiré vers toi, mais la méchanceté en lui était trop forte, et tu as dû la prendre en toi pour le délivrer. Tu as dû souffrir les tourments de l’enfer à te sentir méchante, tu as souffert pour lui et rendu possible la réconciliation. Ta tâche est accomplie ! Va en paix. (CD : 312)

Ce tableau, où sont dépeintes les caractéristiques positives de l’être féminin, ressort aussi fortement du texte de Péladan. Pandore devient le vrai salut en étant élevée au rang de vierge, épouse et mère : c’est par elle que l’homme devient “doux et sédentaire” et “fonde le foyer”, c’est grâce à elle que la race humaine “sera perpétuée, par la vertu de [s]on corps précieux” (Pr : 46) : elle devient “le moyen de l’immortalité ” (Pr : 47). Dans La Prométhéide, Pandore prend conscience du bien et du mal ; elle va éprouver la pitié et souffrir des maux de Prométhée. Désormais, elle ne nuit plus au bien de l’humanité, elle est au contraire la nouvelle Ève par laquelle l’humanité sera sauvée. Eut-il été possible de couronner la femme en lui dédiant un plus bel hymne ?

Pandore, regarde l’être jailli de toi ;
et maintenant tu t’appelles la Mère :
je te salue, sublime Majesté !
Penche-toi sur ce berceau d’osier, vois ces langes,
être sacré, être divin, source de l’homme !
Viens régner, viens aimer, viens consoler, viens enfanter
Toi qui seras le foyer, la famille,
toi qui seras la douce vierge, et puis, la mère auguste,
toi qui incarneras le dévouement et la bonté,
toi qui engendreras les peuples et les villes,
ô toi qu’attendaient les Mortels, nouvelle Héra,
viens créer l’homme, une seconde fois,
selon la douceur et la joie infinies !

(...)
Voici la vierge, voici l’épouse, voici la mère,
voici le vrai salut : l’avenir est promis.
(...)
Je voulais vous arracher à la souffrance,
mais elle est le moyen de l’immortalité !
Le Destin me dédit et l’impose à nouveau ;
Mais voilée, mais charmante !
Recevez donc la douleur attrayante,
Mortels ! voici la Femme ! (Pr : 46sqq. ; soulignement de Strindberg)

Pandore, qui était belle et qui savait mentir, va laisser place à une femme intelligente qui va aimer les hommes. Son rôle est de "fonder le foyer, la famille" (Pr : 47). La Pandore de Péladan, symbole de la femme réinstaurée, devient le modèle de la "puissante faiblesse" censée pouvoir réduire la brutale nature (Pr : 46 ; soulignement de Strindberg) des Mortels que Strindberg cherche à reproduire dans sa pièce. L’auteur suédois est fasciné par la puissance féminine, par l’être de Pandore qui est, selon Péladan, l’être de transition, de la nature à l’homme, son écho, son double, son réflexe (Pr : 43 ; soulignement de Strindberg). Relisons ce passage proclamé par Prométhée où la splendeur féminine est glorifiée et son pouvoir tant exalté. Pandore n’est pas encore métamorphosée lorsque Prométhée lui annonce les bienfaits qu’elle sera capable de prodiguer :

O Matière splendide, si je te donne une âme,
voudras-tu sauver les humains ?
Ils sont féroces : tu les rendrais sensibles ;
ils sont matériels : tu les ferais rêveurs :
ils sont errants : et ils s’arrêteraient autour de toi ;
ils ont le coeur stérile : tu les féconderais de ton sourire. (Pr : 46)

Pandore, en devenant mère, reçoit pour mission de sauver les humains. Comme l’écrira Jean-Jacques Breton, la “femme est promesse de perfection pour l’homme” [36] si l’homme devient androgyne et se voue à l’idéal de chasteté. Nul doute que l’attribut maternel est une bénédiction chez Strindberg. À plusieurs reprises, ce rôle féminin enchantera, passionnera l’inconnu et le fera rêver d’une réconciliation possible :

L’inconnu : Ingeborg ! je t’ai fait mal et tu es en train de me faire du bien en échange ! Sais-tu que c’était mon rêve d’obtenir ma rédemption, ma réconciliation par l’entremise d’une femme. Tu ne le crois pas ? Et pourtant, c’est ainsi ! De la même façon, autrefois rien n’avait pour moi de valeur quand je ne pouvais le mettre au pied d’une femme ! Comme hommage à la beauté et à la bonté, non comme le tribut qu’exige une souveraine impérieuse... C’était ma joie de donner, mais elle voulait prendre, et non accepter, et c’est pourquoi je la détestais ; quand j’étais en plein désarroi, quand je croyais ma fin prochaine, je sentais croître en moi le besoin de m’assoupir sur les genoux d’une femme, contre son sein gonflé, afin d’y abriter ma tête lasse et d’y boire la douceur qui m’avait toujours manqué. (CD : 309 ; nos italiques)

Le summum de ce passage réside dans la requête explicite que l’inconnu formule ensuite auprès de la Dame : “Appelle-moi ton enfant, et alors je t’aimerai, et, lorsque j’aime, je veux servir et obéir, être maltraité et souffrir, supporter...” (CD : 310). Le parallèle se retrouve de nouveau avec transparence chez Péladan, mais cette fois-ci dans Le Prince de Byzance. Au grand désespoir de ne trouver femme selon son coeur, Calvacanti n’a qu’un seul désir, désir qui rejoint celui de l’inconnu: “Ah ! croire en être et se dévouer tout, fanatique devant / l’idole, se faire le démon d’un ange ; combattre, saigner, / mourir, pourvu que le doute jamais ne vienne !” (PBy : 20). Le pauvre pécheur qu’est Cavalcanti cherche “à aimer que la beauté d’un être et lutter contre tout le mal qui est en lui” (PBy : 60), et s’accuse d’avoir manqué d’amour. Alors que la jeune fille, Tonio(a) malgré son jeune âge, est celle par qui le salut est possible et qui, par amour, est prête à sacrifier sa pureté pour ne pas être séparée de Cavalcanti. Finalement, lorsque Cavalcanti a rencontré l’âme soeur, il comprendra la profondeur de l’amour et les sacrifices qu’il exige. L’inconnu admet, tout comme Cavalcanti, que la femme est capable de le purifier de ses maux, de le délivrer en devenant une victime expiatoire :

L’inconnu : Est-il possible, je me le demande, que tu aies pris en toi ma méchanceté, lorsque j’en fus délivré, et que ta bonté soit passée en moi ? Si je t’ai rendue mauvaise, alors je te demande pardon, et j’embrasse cette petite main qui caressait et qui déchirait... cette petite main qui m’a conduit sur ce long chemin de Damas... » (CD : 337)
Tonio : Aimer, c’est faire un Dieu, c’est faire pour ce Dieu tout / ce qu’on devrait faire pour le grand Dieu, pour l’autre. / Mais, comme nul en ce triste monde n’est parfait ! il nous faut aimer que la beauté d’un être et / lutter contre tout le mal qui est en lui. Donner sa vie heure par heure / Et son sang goutte à goutte, c’est un jeu, un plaisir : la / moitié seulement du véritable amour. (PBy : 60).

Les deux hommes sont en quête de l’Amour que seule la femme, aux traits angéliques et virginaux, peut leur apporter. L’androgyne Tonio (a), ange descendu sur terre “par permission divine” prend chez Strindberg les traits féminins de La Dame, un “ange qui pour ses péchés a été précipité dans la prison de la chair” (CD : 307). Mais à l’inverse de Tonio, la Dame est un “ange déchu” (CD : 329). L’inconnu se laisse, à son tour, transformé par la beauté et la bonté de la femme : “Je vis sa beauté et je fus pris du désir de lui ressembler et de me rendre ainsi digne d’elle. [...]. Et voici qu’un jour, quand l’extérieur se fut modelé sur l’âme, je fus sa vivante image, à ce qu’elle prétendait” (CD : 329). La femme va devenir celle qui va montrer le chemin à suivre, elle devient la médiatrice, celle que Prométhée appelait “l’être de transition”. Elle sera par excellence le chemin de conversion de l’homme comme le déclare la Dame : “Mon enfant, je te montrerai dans sa beauté l’univers que Dieu a créé, tel que j’ai appris à le voir depuis que les larmes de la douleur ont purifié mes yeux de toute poussière !...Viens à moi ! ” (CD : 325). Une autre idée chère à Péladan transparaît ici, selon laquelle la douleur devient chemin de purification. Observons que la Dame considère avec grande estime le regard chaste que pose l’inconnu sur elle et consent à cet idéal féminin qui impose un type d’amour asexue : “Tu étais un homme, tu avais le courage de faire fi de toute galanterie vis-à-vis d’une dame, ce que tu cherchais près de moi, c’était un être humain et non une femme. Je trouve que c’était tout à ton honneur et au mien !” (CD : 299). La situation est néanmoins le contraire dans la pièce de Kristina [37].

Si Cavalcanti rêve d’un amour chaste dès l’ouverture du Prince de Byzance, c’est parce qu’il ne “croi[t] plus aux femmes, ce sont des êtres vains” (PBy : 19). Le prieur du monastère va finir par le convaincre que le seul amour digne d’exister est un cœur vierge : Mais si vous rencontriez, un vrai coeur, vierge et haut / sous des traits de princesse, un coeur qui n’eût jamais / battu, un androgyne, un ange et pour qui il faudrait / accomplir des prodiges” (PBy : 20 ; soulignement de Strindberg). Cavalcanti n’attend pas longtemps pour en faire l’expérience. Il va découvrir le visage de celui (celle) dont il a tant rêvé sous les traits de Tonio : un être sublime, beau, pur, un enfant-moine semblable à un androgyne. Pourtant, Cavalcanti face à la pureté est maintenant torturé par son péché ; il se trouve indigne de mériter un être si bon, si pur qu’Antonia. C’est aussi sur la beauté de l’âme féminine qu’insistera le confesseur en s’adressant à la Dame :

Le confesseur : (…) La beauté de ton âme, j’ai été seul à la voir. Notre ami que voici [l’inconnu] l’a soupçonnée, c’est pour cela qu’il a été attiré vers toi, mais la méchanceté en lui était trop forte, et tu as dû la prendre en toi pour le délivrer. Tu as dû souffrir les tourments de l’enfer à te sentir méchante, tu as souffert pour lui et rendu possible la réconciliation. Ta tâche est accomplie ! Va en paix. (CD : 312).

Les deux œuvres révèlent majestueusement comment la bonté de la femme prend en charge les fautes du bien-aimé et s’offre en victime pour le salut de l’homme. La Dame accomplit sa mission et réalise finalement le rêve que nourrissait l’inconnu : “[Se] réconcilier avec l’humanité, par l’entremise de la femme !" (CD : 328).

Le rêve de la chasteté conjugale

Le Chemin de Damas est un véritable plaidoyer pour préserver la chasteté de l’amour des deux amants, seule issue possible de l’Amour. Lorsque l’inconnu reconnaît avoir traduit, par erreur, les manifestations maternelles de la Dame en penchants érotiques, celle-ci offusquée lui confie promptement son désir de garder leur amour chaste : “N’as-tu pas remarqué que j’ai baissé une voilette entre nous deux ; ainsi le chevalier déposait une épée dans la couche nuptiale” (CD : 307).

Le rêve de la chasteté conjugale est un idéal séduisant tant pour Strindberg que pour Péladan. Strindberg et Péladan n’avaient-il pas rêvé de fonder leur propre colonie d’intellectuels au sein d’un monastère ? Péladan va jusqu’à consacrer, de son côté, l’amour conjugal en l’élevant au rang de sacrement. Dans L’Initiation sentimentale, Péladan parle de cette vie passionnelle des amants de manière négative : “Le bonheur se produit en réduisant la vie végétative, en éteignant la vie passionnelle, et en développant, de toutes nos forces, la vie intellectuelle, qui est celle des anges : ce qui se résout en l’androgynéité que je leur représentais” [38]. Cette construction imaginaire empruntera de multiples formes. Elle sera assurément l’une des causes de cette renaissance du mythe de l’androgyne qui ne serait, pour reprendre Monneyron, que “le rêve d’une réduction de la différence” [39]. L’objectif de cet idéal androgénique serait, selon ce même auteur, une manière de lutter contre l’inégalité des sexes et de faire de l’homme et de la femme deux entités placées au même niveau intellectuel en les privant de toutes passions amoureuses synonymes de dépravation. Péladan est, selon cet auteur, “le premier [qui] associa l’androgyne avec la virginité” [40] et “voue ses androgynes à un idéal de chasteté aux contraires des androgynes des Wilde, des Lorrain, des Huysmans qui n’introduisent pas cette restriction éthique et se maintiennent dans l’artifice de l’esthétique” [41]. Autrement dit, l’androgyne péladanien, identifié à l’ange, va acquérir une condition virginale. Dans la pièce de Strindberg, il y a donc une mutation : ce n’est plus le personnage androgénique qui cherche à atteindre cet état de perfection morale qu’offre l’amour asexuel mais c’est au contraire le personnage de l’inconnu et par extension le futur moine, personnage qui ne laisse soupçonner aucune prétention androgénique ou tendance efféminée. Il y a donc tout lieu de se demander si le rêve de la chasteté conjugale ne proviendrait pas d’une même réalité sociale, c’est-à-dire d’un même désir d’abolir cette asymétrie entre l’homme et la femme en gommant justement la relation charnelle des époux pour les mettre à pied d’égalité. Il s’agirait, là aussi, d’une tentative de remise en cause des structures sociales bourgeoises de la société de l’époque. À ce même titre, la représentation imaginaire de la chasteté conjugale, tout comme le fut alors l’androgynie, pourrait tout aussi bien être révélatrice d’un malaise culturel et d’une remise en cause des structures sociales et des différents rôles accordés aux sexes. Ce rêve, tout comme le fut alors l’androgynie, pourrait aussi être révélateur d’un malaise culturel. Par rapport au personnage androgénique péladanien, le personnage strindbergien trouve sa voie de virginité à travers l’homme consacré, qui voue par définition sa vie à Dieu en observant les trois vœux monastiques. Quant à la Dame, elle tend à être identifiée avec la Vierge Marie, prototype de la femme-épouse, vierge et maternelle. Loin d’être une femme masculinisée ou de ressembler à un enfant asexué pour lesquels se dessinerait une ambiguité physique, la Dame est au contraire le modèle suprême de la féminité et se confond avec l’idée de la Mère.

L’inconnu et la Dame portent un même idéal d’absolu, vivre leur amour le plus purement possible, mais la réalité physique les empêche de vivre cet idéal. Le dialogue entre le dominicain et la mère d’Ingeborg résume la nature complexe de la relation versatile des deux amants.

Le dominicain : Comment les deux époux vivent-ils ensemble ? La Mère : La moitié de la journée comme des anges, et l’autre moitié ils se torturent comme des démons. Le Dominicain : Ils sont sur le chemin : les tortures qu’ils s’infligent les amèneront au pied de la croix. (CD : 230)

Aussi bien l’inconnu que Cavalcanti n’ont qu’une seule aspiration : rechercher l’âme sœur et vivre en communion avec elle. Si l’être androgyne de Tonio symbolise l’idéal péladanien, la Dame incarne quant à elle l’idéal strindbergien. Cependant, les divergences entre les deux pièces sont flagrantes même si l’aboutissement des deux pièces présente plus d’une analogie. Si Cavalcanti parvient à trouver l’amour tant désiré à travers la figure androgénique de Tonio, s’ils parviennent tous deux à former ce couple idéal d’amants unis platoniquement sans avoir connu “le péché de la chair”, l’inconnu, lui, n’arrivera pas, du moins à ses débuts, à atteindre cet amour idéalisé de nature virginale : les amants du Chemin de Damas s’approcheront, se déchireront, se sépareront, se retrouveront pour finalement se résoudre à vivre séparés. L’inconnu se réfugiera dans un couvent, lassé de vivre ses amours et ses déchirures, et se résoudra à renoncer à son rêve de salut “par l’entremise d’une femme”, précisons d’une femme en chair et os. Car la fin de la scène “UNE TERRASSE SUR LA MONTAGNE” de la troisième partie voit se dégrader la relation entre l’inconnu et Ingeborg. Tout compte fait, la réconciliation ne semble plus possible. Ils se font leurs adieux et s’aperçoivent que leur amour n’est pas de ce monde.

La Dame : Crois-tu que nous nous aimions ?
L’inconnu : Oui, mais pas à la façon des hommes du commun, nous nous aimons comme des êtres d’exception. Nous sommes deux gouttes d’eau qui craignent de trop s’approcher l’une de l’autre, car elles entendent rester deux et ne veulent pas se réduire à une ! (CD : 336)

Cette ambivalence restera tout au long de la pièce et traduira l’agonie tragique du personnage de l’inconnu, déchiré entre la réalité et le rêve. L’idéal d’un amour pur, chaste rappelle Le Prince de Byzance où les deux personnages parviennent à s’unir tout en gardant leur chasteté. Avant de rendre l’âme, Tonio va s’exclamer : “Quelle gloire d’avoir connu l’amour en plénitude, amant / Sans le péché et sans la chair, époux” (PBy : 65). Dans Le Chemin de Damas, la différence des sexes va malheureusement persister, le malaise perdurer et la communion conjugale – dont l’inconnu a tant rêvé – s’avère vouée à l’échec. Mais, contrairement à ce que l’on serait enclin à penser [42], l’inconnu n’abandonne pas son idéal de pureté mais osons dire que, souffrant de ses imperfections et donc faute de pouvoir vivre cet idéal, il préfère encore le sauvegarder de toutes souillures en sacrifiant sa relation amoureuse avec Ingeborg. En d’autres termes, il se donne la mort en disparaissant à tout jamais au sein des murs d’un monastère pour garder son amour pur. Toute la mise en scène majestueuse du dernier tableau est donc capitale. L’inconnu fait ses adieux au Monde et au monde des sens ; il est couché dans un cercueil et est enseveli selon le rituel de la prise d’habit pour faire renaître l’homme nouveau, l’homme adamique. Pourtant, la survivance de cet idéal demeure dans la scène finale où l’inconnu se fait moine. La Vierge Marie est au centre de la description, elle est au cœur de la vie du futur moine. Elle accompagne l’inconnu et représente la femme idéalisée tout en symbolisant un rêve de communion – comme le révèle la description du dernier tableau de la pièce : “Au milieu de la cour, on voit une fontaine avec une statue de la Vierge, entourée de roses blanches à longue tige. […]. Le soleil éclaire la statue de la Vierge dans la cour” (CD : 347).

À la fin de la scène du Prince de Byzance, le prieur et les moines viennent s’agenouiller auprès des corps. Tonio et Cavalcanti sont morts, unis par l’esprit mais chastes de corps. L’exclamation du prieur devant la mort d’Antonia et de Cavalcanti, dont l’amour est demeuré non consommé, illustre cet idéal fin-de-siècle : “ô noble couple !” (PBy : 123). C’est l’amour en plénitude, c’est l’amour que seul un baiser est venu consacrer/couronner, le saint baiser (le baiser angélique) dont il est écrit, au début de la pièce, un éloge sans pareilles :

Baiser, descente de l’âme, ascension du corps !
Fibule du coeur et des reins, ô signe du bonheur !
Redite bienheureuse et la seule éternelle : Baiser !
Geste des Anges !
O lèvres, territoire contesté entre l’esprit et la matière,
Lèvres qui ouvrent sur le ciel, diseuses de beauté, donneuses
de bonheur ; ô rebord rougoieant de l’être, margelle au
puits d’où sort la voix tendre ou sublime ! (PBy : 18)

Si le baiser est magnifié à un tel degré, c’est parce qu’il appartient au domaine angélique. C’est le “geste des anges”, la porte qui ouvre sur le monde céleste et divin. Or, le baiser dans la pièce de Strindberg n’a pas cette force positive ; il est le “silencieux langage des âmes” mais il conduit les amants à l’acte sexuel, qui selon le tentateur, est sans proportions avec les souffrances futures engendrées par une telle passion :

Le Tentateur : … L’amour, dans sa toute-puissance, qui est une union de l’âme, qu’a-t-il donc à faire avec la reproduction !
L’inconnu et la Femme : Cette fois il l’a dit !
Le Tentateur : Je n’ai jamais pu comprendre comment un baiser, cette parole inexprimée, ce discours muet, ce silencieux langage des âmes peut, par un acte sacré, se muer en... une opération chirurgicale qui toujours s’achève dans des pleurs et des grincements de dents. Je n’ai jamais compris comment la sainte nuit, la première, où deux âmes doivent s’étreindre dans l’amour, comment elle doit s’achever par des effusions de sang, des disputes, de la haine, un mépris réciproque – et de la charpie .(CD : 345sqq.)

Péladan, de son côté, approuverait, en partie seulement, les paroles du tentateur. En effet, Péladan concevait l’amour et la conception comme deux mystères et ne dégradait pas la “reproduction” au rang des bassesses humaines, sauf la conception accidentelle. Pour le Sâr, la procréation est considérée comme un sacrement, mais les amants doivent impérativement assumer cet acte en pleine conscience après en avoir mesuré la responsabilité [43]. Alors que l’inconnu s’acheminait vers le couvent en compagnie du confesseur/dominicain, il retrouve Ingeborg, retombe sous le charme de sa bien-aimée et décide de vivre à nouveau avec elle. L’expérience est de courte durée. Réfugié avec sa belle dans une cabane abandonnée, l’inconnu se rend vite compte qu’ils ne peuvent pas s’aimer à la manière des hommes. Ainsi, l’inconnu et la Dame se retrouvent dans la même situation que Cavalcanti et Tonio. Ils se consacrent l’un à l’autre dans la pureté de l’amour et sacrifient l’amour charnel au nom d’un idéal plus haut où leurs âmes ne feront plus qu’une.

La Dame : Faut-il que je te quitte ?
L’Inconnu : J’en mourrais !
La Dame : Et si je reste, c’est moi qui en mourrai !
L’Inconnu : Mourons ensemble, nous vivrons notre amour dans une vie plus haute – notre amour qui, semble-t-il, n’est pas de ce monde – dans un autre espace où il n’existe ni éloignement, ni proximité, où deux est un, où nombre, temps, espace sont tout autres qu’ici-bas ! (CD : 336)

L’influence du Prince de Byzance est peut-être finalement plus décisive que l’on ne l’accorderait au premier regard. L’inconnu du Chemin de Damas reconnaît finalement que si cela était possible, il vivrait avec la Dame dans un couvent mixte. Il en envisage l’éventualité et cherche par ce biais à imiter ce “noble couple” péladanien, en aspirant à un type d’amour conjugal intellectuel et chaste : “Ainsi c’est le complet désespoir ! Tu n’aperçois pas de raison de vivre, ni de fin à ton malheur. Comme on est en sympathie, quel dommage qu’il n’existe pas de couvent mixte ! Sans cela, nous ferions un couple à nous deux” (CD : 299). Finalement, le couvent joue un rôle important chez les deux écrivains : chez Péladan, il est le cadre et, par cela, la condition qui permet à l’amour de Cavalcanti et de Tonio de se rencontrer et de s’épanouir alors que chez Strindberg, la vie monastique devient la conséquence du renoncement à l’amour passionnel ou, vu sous un autre angle, le seul dénouement possible pour qu’existe cet amour pur et chaste.

Strindberg dans le sillage de Péladan

Strindberg s’est ouvertement rallié au Sâr Péladan, écrivain occultiste, mystique et catholique. En tant que représentant de ce mouvement français de nature ésotérique et catholique, Péladan figurait parmi les maîtres littéraires auxquels l’auteur nordique se rattachait. Ce dernier eût, sans aucun doute, été fier d’être reconnu comme l’un de ses disciples mais, sans pour cela, hésiter à prendre quelques libertés et se détacher, au besoin, de son maître. Après avoir vu les correspondances d’idées qui líent les 3 pièces de cette étude (Le Chemin de Damas, Le Prince de Byzance et La Prométhéide), examinons aussi les similitudes de lieux et de musique dans lequel baigne cet esprit liturgique.

Si les représentations de l’imaginaire religieux se concentrent autour de la femme et de l’amour conjugal, la liturgie apparaît comme la musique de fond accompagnant les acteurs. Le sens offert par ces hymnes dans Le Chemin de Damas est loin d’être mineur puisqu’il porte toute l’interprétation à venir de la pièce. Plus qu’un décor et une valeur esthétique, les chants et les prières psalmodiés nous offrent la clef du mystère de cette pièce. Ils introduisent la pièce de Strindberg dans une tradition catholique. La femme en tant que Vierge et mère est adulée et magnifiée à travers l’hymne à Notre-Dame, le Rosaire et les chants de l’Ave Maris Stella ou du Salve Regina. La femme est appelée à jouer son rôle de médiatrice auprès du fils de Dieu. Bien que le même requiem Dies irae apparaisse de manière sensiblement identique chez les deux auteurs, ces derniers n’utilisent plus par la suite le même répertoire liturgique. Au contraire de Péladan qui met l’accent sur la majesté du Christ, Strindberg laisse dominer, à travers le cadre liturgique du Chemin de Damas, le thème de la femme-Mère et Vierge et exploite la richesse d’un répertoire traditionnellement catholique. Au-delà du contenu largement différent, on observe néanmoins une analogie formelle – où hymnes et chants latins sont reproduits – que Strindberg exploite pour chanter une nouvelle mélodie, pour délivrer un nouveau message : Le salut de l’homme par l’entremise de la femme.

Au niveau thématique, les deux auteurs accordent une place d’honneur à la femme. Cette dernière est appelée à conduire l’homme vers le salut, à être Mère en demeurant une épouse chaste. Elle s’apparente à une nouvelle image de la Vierge Marie que le mythe de Pandore, réinterprété par Péladan dans La Prométhéide, a su rénover et recréer. Chez Péladan, Pandore est ainsi assimilée à Ève, la femme-Mère, la Mère de l’humanité, alors que chez Strindberg, la figure féminine s’apparente à la Vierge Marie. Cette figure centrale de l’église catholique devient donc l’icône où la jeune femme strindbergienne vient se réfléchir, et prendra l’allure de la femme idéale chez Strindberg.

Pourtant, des divergences s’imposent aussi dans les pièces. Le rêve d’amour pur et chaste, auquel parviennent les protagonistes péladaniens, échouera en apparence dans la pièce strindbergienne. Il faudra attendre Blanche-Cygne (écrit en 1901 et publié l’année suivante) pour trouver la concrétisation de cet idéal. Si l’idéal féminin auquel rêvait l’inconnu s’avère être impossible à vivre, l’univers liturgique fait quant à lui exister, de par sa nature, l’idéal céleste dans le célèbre “déjà et pas encore”. Il s’avère la seule voie possible de délivrance. Et la présence répétée des hymnes liturgiques relatifs à la Vierge Marie – dans lesquels la maternité de la femme est élevée sur un piédestal puis présentée comme la voie salvatrice de l’homme – vient contrebalancer l’échec des deux amants qui finalement se séparent. Si Péladan exploite la narration de la pièce et fait aboutir ce rêve de femme pure et de chasteté conjugale, Strindberg réussit, de son côté, à représenter cette promesse en se servant du patrimoine liturgique catholique consacré à la Vierge.

À l’issue de cette étude, l’idéal monastique apparaît aussi comme le corrélat indispensable sans lequel toute aventure amoureuse chaste est vouée à l’impossible. Le couvent s’impose, en effet, comme un refuge possible où l’homme est éduqué, où il apprend à vivre la chasteté. Chez Péladan, l’homme androgyne et de nature angélique, parvient à atteindre l’idéal de l’Amour au sein des murs conventuels tandis que le protagoniste strindbergien vivra cet idéal de façon idéologique, en renonçant à cet amour passionnel avec la Dame pour achever son itinéraire dans une vie monastique. Ce qui est en amont chez Péladan se retrouve clairement en aval chez son confrère suédois.

Pour clore cette étude, il semble de toute évidence difficile de remettre en cause l’influence péladane dans Le Chemin de Damas. Le débat qu’il nous faudrait poursuivre consiste plutôt à délimiter avec toujours plus de finesse la réutilisation de ce fonds péladanien et à en définir les points de contact avec d’autres pièces pour mieux dégager les relectures de Strindberg. Laissons maintenant la parole au protagoniste strindbergien qui, loin de renier les nombreuses lectures auxquelles il avait su puiser matière à réflexion, cherchait à expliquer les réécritures, ces “nouvelles formes” d’écriture jaillies à partir d’une “pâte” refondue :

L’Inconnu: Non, ce que j’ai vécu est à moi et n’est à personne d’autre. Ce que j’ai lu est devenu mien puisque je l’ai brisé comme verre, je l’ai fait refondre ; avec la pâte, j’ai soufflé de nouveaux verres et créé de nouvelles formes. (CD : 335)

Strindberg a, sans aucun doute, brisé les vers péladaniens, les a refondus et en a soufflé de nouveaux. Au centre de la réorientation spirituelle du théâtre strindbergien fin de siècle, un nouvel imaginaire a vu le jour, source d’une nouvelle dramaturgie aux accents liturgiques incomparables inspirés de la tradition catholique. De cet imaginaire émerge une figure féminine virginale, icône de la Vierge Marie et surgit un amour conjugal chaste.

Somme toute, Strindberg exploite à nouveau d’anciens thèmes, que sont la femme et la vie de couple, thèmes largement débattus au tournant du siècle. Ces idées lui ont toujours tenues à coeur mais en les utilisant il leur insuffle dorénavant un nouvel esprit, un esprit religieux imprégné de catholicisme. La place de la liturgie dans Le Chemin de Damas est en effet une prouesse stylistique et inaugure ce nouvel élan strindbergien à l'aube du XXe siècle. Si les vocations conjugale et féminine sont des objets de fascination et une source maîtresse d’inspiration présente dans toute l'œuvre de Strindberg, se dessine maintenant la chasteté en filigrane. Cette dernière va désormais donner le ton à de nombreux rapports relationnels dans le théâtre écrit par Strindberg après Inferno.

Notes

[1] Voir Lindström, Hans. Strindberg och böckerna II. Boklån och läsning. Förteckningar och kommentarer. Uppsala. Svenska litteratursällskapet, 1977 : 47-234. Cette recherche est financée dans le cadre du projet «Strindberg et la France » grâce à une bourse de la fondation de Ragnar Söderberg. Retour

[2] Balzamo, Helena. August Strindberg : visages et destin. Paris. Hamy, 1999 : 289. Retour

[3] Voir de l’Estoile. Qui suis-je ? Péladan. Grez-sur-Loing. Pardès, 2007 : 113. Retour

[4] La liste des ouvrages de Péladan figurant dans la bibliothèque de Strindberg (Blå Tornet à Stockholm) : Amphithéâtre des sciences mortes (1901) Babylone (1895), L’initiation sentimentale (1886-1891), Le Prince de Byzance (1896), Semiramis (1904), Le secret des troubadours (1906), La Prométhéide (1895), Comment on devient alchimiste (1897), La vertu suprême (1900). Parmi ces ouvrages, figurent de nombreux soulignements dans La Prométhéide et Le Prince de Byzance. Retour

[5] Voir Kindstedt, Ola. «Péladan och Kristina », Strindbergs Kristina: historiegestaltning och kärleksstrategier : studier i dramats skapelseprocess. Uppsala, Stockholm, 1988 : 189. Retour

[6] Strindberg, August. Journal occulte. Stockholm. Gidlunds, 1977 : 135. Retourr

[7] Kindstedt ; 1988 : 189. Retour

[8] Radix, élise. Le déclin du prométhéisme dans la littérature fin-de-siècle. Paris. L’harmattan, 2006 : 145. Retour

[9] Voir Barry, Jacobs. «Strindberg and the Myth of androgyne : Christ Figures in “Easter” and The Briddal Crown», Strindberg’s Post-«Inferno» Plays. Munksgaard/rosinante. éd. Kela Kvam, 1992 : pp. 92-105. Retour

[10] Voir Fraser, Elisabeth. Le renouveau religieux dans les romans français de 1880 à 1914. Paris. Les belles Lettres, 1934 : 218p, Griffiths, Richard. Révolution à rebours. Le renouveau catholique dans la littérature française de 1870 à 1914. Paris. Desclée de Brouwer, 1971 : 352p et Gugelot, Frédéric. La conversion des intellectuels au catholicisme en France, 1885-1935. Paris. C.N.R.S, 1998 : 533 p. Retour

[11] Griffiths ; 1971 : 14. Retour

[12] Lettre de Strindberg à la maison d’édition Gernandt, le 25 avril 1900 (notre trad.). Toutes les lettres de Strindberg citées sont tirées de l’édition de Torsten Eklund et Björn Meidal comprenant 22 tomes (Strindberg, August. Strindbergs brev. Stockholm. Bonniers, 1969-1994). Retour

[13] Strindberg ; 1994 : 308. Retour

[14] Strindberg ; 1994 : 308. Retour

[15] Lettre de Strindberg à sa fille Kerstin le 4 mai 1897 ; notre trad. Retour

[16] Strindberg ; 1994 : 308. Retour

[17] Strindberg. Un livre bleu I . Strindbergs samlade Verk t. 65. 1997 : 262 (notre trad.). Retour

[18] Comparer avec Kindstedt ; 1988 :194. Retour

[19] de l’Estoile, Arnaud ; 2007 : 58. Retour

[20] de l’Estoile, Arnaud ; 2007 : 58. Retour

[21] Voir, à ce sujet, deux études de critique littéraire : Monneyron, Frédéric. L'androgyne décadent : mythe, figure, fantasmes. Grenoble. Ellug, 1996 : 180p) et Radix (2006). Retour

[22] Voir Cedergren, Mickaëlle. L’écriture biblique de Strindberg. étude textuelle des citations bibliques dans «Inferno», «Legendes» et «Jacob lutte». Stockholm. Université de Stockhom, 2005 : 169sqq. Retour

[23] Lettre de Strindberg à Richard Bergh le 14 février 1901. Retour

[24]Voir Manuscrit SgNM (3: 21,33) : «Mes prix Nobel : Péladan, Maeterlinck, Kipling, Gorki ». Retour

[25] Lettre de Strindberg à Karl Börjesson autour du 14 novembre 1908 Retour

[26] Õrjan Lindberger a déjà présenté Péladan comme un des maîtres littéraires de Strindberg en montrant l’influence du Prince de Byzance et de La Prométhéide; sur les pièces de Blanche-Cygne, Christine et Songe dans un article («Some Notes on Strindberg and Peladan », Structures of influence. A comparative Approach to August Strindberg, Chapel Hill, Université de Caroline du Nord. 1981 : pp. 245-255). Retour

[27] Péladan, Joséphin. «Chronique dramatique », La Plume, Paris, le 1er juin 1905. Retour

[28] The Oxford Dictionary of the Christian Church. New-York. Université d’Oxford, 1993 : 402. Retour

[29] Voir Barry Douglas («Strindberg and the Myth of androgyne : Christ Figures in «Easter» and «The Briddal Crown» ; 1992) et Kvam («Strindberg as an Innovator of Dramatic and Theatrical Form » ; 1991) Retour

[30] Radix ; 2006 : 144. Retour

[31] Radix ; 2006 : 153. Retour

[32] Radix ; 2006: 146. Retour

[33] Radix ; 2006 : 151. Retour

[34] Radix ; 2006 : 154. Retour

[35] Breton, Jean-Jacques. Le mage dans «La décadence Latine» de Josepin Péladan. Lyon. Ed. du Cosmogone, 1999 : 86. Retour

[36] Breton ; 1999 : 162. Retour

[37] Comparer avec Kindstedt ; 1988 : 201sqq. Retour

[38] Péladan, Joséphin. L’Initiation sentimentale. Saltkine, Genève, 1979 : 128. Retour

[39] Monneyron ; 1996 : 77. Retour

[40] Monneyron ; 1996 : 17. Retour

[41] Monneyron ; 1996 : 65. Retour

[42]Comparer avec Kindstedt ; 1988 : 205. Retour

[43] Bertholet. La pensée et les secrets du Sâr Josephin Péladan. Neuchatel. 1952 : 97sqq. Retour

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